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La Frange

dellidinitier
Mon, 19 Mar 2018 20:08:29 GMT

Je ne sais pas si vous aurez le courage de toute lire. En tout c'est un pavé de 153 pages... Enfin si vous voulez la suite se sera avec plaisir... — On fait comme d’habitude ? Comme d’habitude ? Est-ce que ce n’est pas de là que vient le problème ? Est-ce que ce n’est pas cette bonne vieille habitude qui a poussé David dans les bras d’une autre ? Est-ce que ce n’est pas l’habitude qui fait que je ressens comme ce vide au fond de moi, cette impression de ne vivre qu’à moitié ? — Alors ? me relance la coiffeuse. — Euh, en fait je ne sais pas. Je viens dans ce salon depuis 12 ans. À chaque fois je demande la même chose : balayage blond miel et coupe dégradée. Pourtant, aujourd’hui, j’hésite. Derrière mon siège, la jeune femme commence à s’impatienter. Je peux la comprendre. En général lorsque l’on prend un rendez-vous chez le coiffeur, on a quand même une vague idée de ce que l’on souhaite faire à ses cheveux, non ? Et puis, je risque de la mettre en retard pour ses autres rendez-vous. — Je crois que j’ai envie de changement. — C'est-à-dire ? — Pas la boule à zé ro bien sûr, mais quelque chose de nouveau. — Hum ? Je peux vous faire une frange. propose-t-elle tout en passant le peigne dans ma tignasse. — Vous pensez que ça m’irait bien ? — Je ne pense pas, j’en suis certaine. — Bon et bien, va pour la frange. — Et pour la couleur ? On reste sur le balayage blond miel ou vous voulez aussi du changement à ce niveau-là ? Je prends quelques secondes de réflexion. Si je veux de la nouveauté, autant y aller franchement. — Et bien je voudrais… Est-ce que tout ça est bien raisonnable ? Les gens vont croire que je pète un câble parce que rien ne va plus dans ma vie… Mais pourquoi n’aurais-je pas le droit de péter un câble après tout ? — Brune. Surprise, la coiffeuse me dévisage avec des yeux grands comme des soucoupes. Elle doit se demander si je n’ai pas pris un coup sur la tête. — Brune, brune ? Ou juste quelques mèches ? veut-elle s’assurer. — Brune ! — Vous êtes sûre ? — Absolument. — Alors c’est parti. Quelques minutes et coups de ciseaux plus tard (et surtout plus de 90€ en moins sur mon compte), je sors dans la rue avec une toute nouvelle tête. C’est fou ce que peut apporter un passage chez le coiffeur. Je me sens bien, pleine de confiance en moi, prête à briser les chaînes de mes habitudes et je sais déjà par où je vais commencer. Il y a deux semaines, j’ai trouvé un sous-vêtement féminin non identifié dans ma corbeille à linge. Non, mais franchement, comment peut-on être infidèle et laisser des preuves aussi évidentes de son crime? Enfin bref, c’est à cause de cette découverte que j’ai commencé à me poser des questions. David et moi nous sommes rencontrés à l’université. Nous suivions le même cursus. Un jour, il est arrivé plus d’une demi-heure en retard à l’un de nos cours. Il s’est installé à côté de moi et il m’a demandé s’il pourrait m’emprunter mes notes pour rattraper ce qu’il avait manqué. Il était séduisant, cultivé. Nous nous sommes très vite découvert de nombreux points communs. Il n’y a pas eu de coup de foudre entre nous. Non, nous avons appris à nous connaître, à nous apprécier. Les sentiments sont venus naturellement. Je pensais que nous allions nous marier, avoir des enfants, vivre heureux jusqu’à ce que nous soyons vieux et grisonnants, mais ce foutu string a annihilé mon happy end. J’étais perchée sur mon petit nuage et je n’ai rien vu venir. J’admets qu’avec le temps, notre relation est devenue moins passionnée. Quand nous étions étudiants, chaque moment passé ensemble était un véritable feu d’artifice. Les années se sont écoulées, nous avons quitté la fac pour rentrer dans la vie active. Fini le temps de l’insouciance, bonjour le travail, les factures à payer et les responsabilités. La routine s’est installée dans notre couple. Nous n’avons plus essayé de nous surprendre. Quand nous faisions l’amour, tout était mécanique. Toujours dans notre lit, toujours dans la même position. J’avoue que je m’en contentais. Je n’ai jamais cherché à entretenir la flamme, ni tenté quelque chose de nouveau. Peut-être que si j’avais été plus inventive et entreprenante… Non mais je rêve ! Je suis encore en train de lui trouver des excuses ! Rien ne justifie son comportement. S’il ressentait une quelconque frustration, il lui suffisait de m’en parler. Ensemble nous aurions trouvé une solution. J’arrive devant notre immeuble et je descends me garer au parking souterrain où un emplacement m’est réservé. Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine que c’en est presque douloureux. Quand j’ai trouvé le petit bout de ficelle dans ma corbeille à linge, je n’en ai pas parlé à David. Malgré l’horrible sensation que quelque chose de malsain me rongeait de l’intérieur, j’ai voulu me persuader que ce n’était qu’une passade, qu’il avait commis une erreur et qu’il ne recommencerait plus. J’ai fait l’autruche, me focalisant sur tout ce que nous avions vécu. Je n’allais quand même pas mettre fin à notre histoire pour ce que je pensais être un moment d’égarement. Le pire c’est que j’y croyais vraiment. La curiosité m’a quand même poussée à contrôler ses mails et ses SMS. Je suis tombée sur des messages qui m’ont appris que cela durait depuis des mois et que ce n’était pas prêt de s’arrêter. Même en sachant ça, je n’ai pas réussi à lui en parler. Je crois que j’avais peur de me retrouver seule. J’ai toujours été une handicapée de la solitude. J’étais brisée, pourtant, je préférais souffrir en silence plutôt que de risquer la rupture. Mais aujourd’hui c’est fini. Il est temps que je mette un terme à tout ça. Je prends l’ascenseur et je monte au troisième étage. Je n’arrive pas à tourner la clé dans la serrure. J’en déduis que David est déjà rentré et qu’il a fermé de l’intérieur. J’appuie sur la sonnette. J’entends des bruits de pas et la porte s’ouvre. — Waouh bébé ! C’est quoi cette coupe de cheveux ? s’exclame David. Je sens toute la colère que j’ai refoulée, se propager en moi. J’ai envie de lui coller mon poing dans la figure. — Va t’asseoir dans le salon, il faut qu’on parle ! dis-je d’un ton glacial. Il s’exécute tout en continuant à observer ma tête. — Tu peux me dire ce qui se passe ? s’enquit-il tandis que je vais dans la salle de bain pour chercher l’objet du délit que j'avais caché. Je reviens avec le string que je pose sur la table basse. David ouvre la bouche, ses joues deviennent rouges et il se met à gigoter mal à l’aise. Il balbutie, cherche ses mots. — Euh, c’est quoi ça ? fait-il innocemment. — Tu plaisantes ? — Non je ne vois pas où tu veux en venir… Tu t’es achetée de nouveaux sous-vêtements ? Comment ose-t-il ? — Je sais tout David. Il se lève et me prend dans ses bras. — Ce n’est pas ce que tu crois, ce n'est arrivé qu’une fois… C’est la nouvelle au boulot… Elle m’a fait des avances et j’ai craqué… J’ai été faible… Mais je te promets, ce n'est arrivé qu’une fois. C’était juste du sexe…Rien d’autre. C’est toi que j’aime. Infidèle et menteur… J’ai passé 9 ans de ma vie avec cet homme et j’ai l’impression de parler à un étranger. Je ne me laisserais pas amadouer par ses mots. Ma grand-mère disait « celui qui te trompe une fois recommencera ». Je ne pourrais plus jamais avoir confiance en lui. Je n’ai même pas envie de lui laisser une seconde chance. — C’est fini, je pars… — Mon cœur, je te promets que ça n’arrivera plus. Je veux juste être avec toi. Je sens une boule se former dans ma gorge. Je ne veux pas en entendre plus, je ne veux pas lui laisser la possibilité de me faire craquer… Je file dans la chambre et je sors une valise de mon armoire, valise que j’ai achetée il y a à peine quelques mois en prévision d’un voyage en amoureux aux États-Unis… J’y jette sans ménagement toutes les affaires qui me sont essentielles. — Arrête ne fais pas ça ! me supplie-t-il. — C’est fini ! dis-je en tirant sur la fermeture éclair. Tu comprends ? Il n’y a plus de nous. Je me rends compte que je crie comme une folle furieuse. Tous mes voisins vont être au courant de notre rupture. Continuant sur ma lancée, je vais déposer la valise sur le palier. Impuissant, David me suit. Son visage est grave, j’ai même l’impression qu’il est à deux doigts de pleurer. Il fait pitié avec sa mine de chien battu, mais je suis bien décidée à ne pas revenir en arrière. — Tu n’as pas toutes tes affaires là. me rappelle-t-il. — Je passerais un jour de la semaine, quand tu ne seras pas là. — Élodie… Tu es sûre que c’est ce que tu veux ? Tu m’aimes non ? — Au revoir David. Je lui jette un dernier regard avant de claquer la porte. Après la colère, c’est le chagrin qui m’envahit. J’appuie sur la sonnette de l’ascenseur et je lutte pour ne pas fondre en larmes. Je suis sûre qu’il m’observe à travers l’œillet de la porte. Bien sûr que je l’aime… Comment est-ce que je vais pouvoir l’oublier ? Comment est-ce que je vais supporter de ne plus le sentir chaque soir tout contre moi ? J’arrive au parking souterrain. Je mets ma valise dans mon coffre et une fois installée derrière le volant, mes émotions me submergent. C’est le déluge de larmes. J’ai si mal… Quand je suis sortie de chez le coiffeur, je savais que la rupture ne serait pas facile et je pensais pouvoir faire face… J’aperçois les lumières de l’ascenseur clignoter. Je ne sais pas si c’est David qui descend pour me rattraper ou un illustre inconnu, mais je démarre en trombe. Conduire m’aide à me calmer, enfin plutôt à arrêter de pleurer puisque mon cerveau fonctionne à plein régime. C’est bien beau d’avoir enfin décidé de tourner la page, mais où est-ce que je vais aller maintenant ? Pas question de dormir dans l’hôtel qui appartient à mes parents. J’y travaille déjà tous les jours, je ne veux pas y être toutes les nuits ! Je peux peut-être aller chez Vanessa, ma grande sœur. Après tout, lorsque sa maison a été inondée il y a quelques mois, elle a squatté mon canapé avec son conjoint le temps que leur logement soit de nouveau habitable. Je m’arrête sur le bas-côté pour l’appeler. Elle décroche au bout de trois sonneries. — Oui Élodie ? — Salut euh… Excuse-moi de te déranger, mais je voulais savoir si je pouvais dormir chez toi pendant quelques jours. Long silence… — Qu’est-ce qui se passe ? — Je viens de quitter David. Je n’ose pas lui avouer qu’il m’a été infidèle. — Ça t’a pris comme ça ? me dit-elle, d’un ton complètement détaché. Sa phrase me surprend, en fait, j’ai l’impression de la déranger. — Écoute Vanessa, si ça t’embête, tu n’as qu’à me le dire tout de suite. Sa réponse se fait attendre. — Je suis vraiment désolée pour toi, mais oui effectivement ça m’embête parce que j’ai du monde chez moi là. Je ne sais pas quoi répliquer. Les mots "dégueulasse et injuste" me viennent en tête et pourtant je m'abstiens. — Ok, tant pis, à demain. Comme je suis quand même contrariée, je lui raccroche presque au nez. Même si sa réaction ne devrait pas m’étonner, parce que ce n’est pas la première fois qu’elle me refuse son aide, là tout de suite, je suis folle de rage. Ça fait beaucoup d’émotions en une journée et je n’ai plus qu’un endroit où me réfugier. Je téléphone à ma meilleure amie, Camille. Je n’ai pas besoin de lui expliquer. Dès que je lui annonce que j’ai besoin d’un endroit où dormir, elle me propose de venir chez elle. Il ne me faut pas plus de 10 minutes pour arriver dans le charmant petit village où elle réside. Je me gare dans son allée et je m’empresse d’aller sonner à sa porte. Elle m’ouvre presque aussitôt. Je ne sais pas pourquoi, mais dès que j’aperçois son visage, les larmes jaillissent de nouveau. Elle ne me dit rien, elle se contente de me prendre dans ses bras. Un peu de chaleur humaine, ça fait tout de suite du bien. Les battements de mon cœur reprennent un rythme normal et mes sanglots s’atténuent jusqu’à s’arrêter complètement. — Va t’installer au salon, je vais te préparer un petit remontant spécial grosse déprime ! me propose Camille. Je m’exécute et vais m’écrouler sur le canapé. — Au fait, j’adore ta nouvelle tête ! me crie ma meilleure amie depuis la cuisine. Quelques secondes plus tard, elle apparait, chargée d’un plateau où sont disposées deux coupes remplies d’un liquide jaune et laiteux. — Pina colada ! Rien de tel pour oublier les petits soucis… — Alors là, un verre ça ne va pas me suffire, il me faut carrément un pichet ! Camille s’installe à côté de moi. — Je sais que tu n’as peut-être pas envie d’en parler, mais est-ce que tu peux m’expliquer ? me demande-t-elle. J’avale une gorgée de la boisson aux vertus soi-disant miraculeuses et je me lance. Je lui parle du string que j’ai trouvé et de mon obstination à penser que ce n’était pas grave. Puis je lui détaille les messages et toutes les autres preuves de l’aventure de David. Je raconte tout sans m’arrêter. — Je n’arrive pas à croire qu’il t’ait fait ça le salaud… Je croyais que vous deux, c’était pour la vie ! — Et moi donc … Nous continuons à siroter nos cocktails en silence, chacune perdue dans nos pensées. J’entends une voiture se garer dans l’allée puis la porte qui s’ouvre. Youssef, le fiancé de Camille, fait son apparition dans le salon. — Salut les filles ! s’exclame-t-il. — Salut. Il me fait la bise et embrasse sa chérie. — J’ai failli ne pas te reconnaître Elo, avec cette couleur et cette frange, ça te donne un air plus… — Sauvage ! complète Camille. — Oui c’est ça, sauvage. Il s’assoit sur le fauteuil me faisant face et desserre sa cravate. — Alors quoi de neuf ? m’interroge-t-il. — Et bien je vais squatter quelque temps chez vous. — Ah oui ? David t’a mise à la porte ? me charrie-t-il. Aussitôt Camille lui fait les gros yeux et il comprend que sa phrase était maladroite. — Non, il ne m’a pas mise à la porte, c’est moi qui l’ai quitté. Il m’a trompée. — Sérieux ? fait Youssef mal à l’aise. — Oui sérieux, tu ne vois pas les cornes que j’ai sur la tête ! Je me surprends moi-même à réussir à en plaisanter. — En fait, ça ne m’étonne pas. Je n’ai jamais pu le sentir ce type. Tu veux que j’aille lui régler son compte ? — Merci, c’est gentil, mais non. Ce serait lui accorder trop d’importance. Un silence gêné s’installe dans la pièce. J’observe mon couple d’amis. Ils sont tellement différents physiquement. Lui grand, large d’épaules, yeux noisettes et peau chocolat au lait. Elle, petite menue, blonde à la peau très claire et au regard bleu perçant. Ils se sont rencontrés lorsque Camille a sollicité un crédit dans la banque où Youssef est employé. En à peine quelques rendez-vous, ils sont tombés éperdument amoureux. Après sept ans, ils se regardent avec la même passion. Ils arrivent toujours à se trouver du temps pour eux. Ils partent en week-end à l’improviste. Vendredi dernier par exemple, ils regardaient un reportage sur le saut en parachute et hop le lendemain, ils allaient se jeter dans le vide. Bref, ils sont tout le contraire de moi et David. — Hey, mais j’y pense ! Maintenant que tu es libre comme l’air, tu vas pouvoir venir avec nous au Maroc ! Cela fait longtemps que Camille veut me faire découvrir ce pays qu’elle décrit comme magique et féérique. Comme une grande partie de la famille de Youssef vit là-bas, ils y passent au moins deux semaines chaque année. J’ai toujours eu envie de partir avec eux, mais voilà, il y avait David. David et sa peur panique d’attraper la tourista, David et sa pantouflardise… David et son manque d’ouverture d’esprit pour ne pas dire racisme. C’est d’ailleurs l’un des points qui faisait qu’il s’entendait aussi bien avec ma famille. Maintenant, plus rien ne m’empêche de les suivre, à moins que… — Vous partez quand ? — Dans 15 jours. me répond Youssef. La première quinzaine d’août... Une période très chargée pour l’hôtel de mes parents, une période où ils ne pourront pas, et surtout ne voudront pas, se passer de moi. — Ça va être compliqué, tu…. — Je sais déjà ce que tu vas me dire… Mais tu ne crois pas qu’il faut penser à toi ? — Ils ne vont pas s’en sortir sans moi. — Ils seraient peut-être temps qu’ils apprennent à se débrouiller et puis à ta place, ça fait longtemps que j’aurais claqué la porte. Tu es exploitée par ta propre famille ! s’énerve Camille. — Tu exagères un peu là. — Non je n’exagère pas. Tu as quitté un boulot que tu adorais pour aider ton père à réaliser son rêve et tu te retrouves à nettoyer des toilettes. Au début ils t'ont dit quoi déjà ? Qu’ils avaient besoin de ton aide juste pour la paperasse ? Même si je m’obstine à croire que mes parents m’aiment et qu’ils souhaitent tout ce qu’il y a de mieux pour moi, dans le fond, je sais qu’elle a raison. Mais hors de question d’admettre que ceux qui m’ont donné la vie ne me considèrent que comme une employée bonne à faire les tâches ingrates. — Je verrais si c’est possible. dis-je pour clore la discussion. Youssef et Camille m’ont installée dans la chambre d’amis. Le lit a beau être confortable, je n’arrive pas à dormir. Je ne peux m’empêcher de me demander si là, tout de suite, David est avec elle. Des images plus affreuses les unes que les autres défilent dans mon esprit. J’essaye de me concentrer sur autre chose, comme mon potentiel voyage au Maroc, mais impossible. Je me tortille sous la couette en espérant que le marchand de sable finisse par passer en mettant ainsi un terme à mes tourments. Bon, aller, penser à autre chose, penser à autre chose… Comme si c’était facile. Plus j’essaye de chasser ce qu’il y a dans ma tête, plus la pensée devient obsédante. Au secours!!! Je suis tellement tendue que quand mon téléphone émet un ping, mon cœur fait un bon dans ma poitrine. C’est ma sœur. Elle me demande… de la remplacer demain matin pour le service du petit déjeuner. Elle est gonflée quand même… J’ai envie de lui dire qu’elle n’a qu’à aller se faire cuire un œuf, mais comme d’habitude, je n’en fais rien. Au contraire, je lui réponds qu’il n’y a pas de problème. Visiblement, il y a certaines chaînes que je ne suis pas encore prête à briser. Du coup, je règle le réveil de mon portable à 5h. Je sens que demain, je vais passer une super journée ! Nuit blanche… Tête dans le pâté … J’erre dans les couloirs de l’hôtel comme un zombie en quête de son prochain repas. Je viens de croiser mon reflet dans un miroir et l’anticerne dont j’ai abusé ce matin n’a pas servi à grand-chose. Pourquoi n'ai-je pas réussi à dire non ? Ça aurait dû être facile avec le coup qu'elle m'avait fait. Trois lettres ce n’est pourtant pas bien compliqué. Aider les autres et leur rendre service a toujours été dans ma nature. Je me rends bien compte que mon entourage en profite et qu’il faudrait que je prenne mon courage à deux mains pour leur dire Stop. Je me le promets chaque jour et chaque jour… je reporte à plus tard. J’arrive dans la salle des petits déjeuners et je commence à dresser les tables. J’enchaine avec la préparation des boissons chaudes et du jus d’orange. Je viens à peine de terminer que déjà, les premiers clients arrivent. C’est un couple de retraités un peu snobinard qui prend de haut les petites gens comme moi. Ils me saluent à peine avant de s’installer. J’enfile mon masque de bonne humeur et de tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil pour les servir. — Vous avez fait quelque chose à vos cheveux ? remarque l’homme. — Oui, vous avez l’œil… — En même temps, passer du blond au brun. C’est plutôt flagrant comme changement. — Et pas forcément de très bon goût… ajoute sa femme. Je prends sur moi pour laisser couler et m’empresse de les quitter pour m’occuper des autres personnes venant d’arriver dans la salle. Il est bientôt 11h. J’ai mis tout ce qui a été utilisé au lave-vaisselle et je m’apprête à nettoyer les dégâts causés par un jeune homme maladroit. J’entends le claquement de talons aiguilles sur le carrelage du couloir. Je sais déjà qui se dirige vers moi et je me prépare mentalement à sa réaction quand elle aura découvert ma tête. — Oh mon dieu ! gémit ma mère. Perchée sur ses escarpins de 15cm, elle s’avance vers moi l’air horrifié. — Mais qu’est-ce qui t’a pris ? Toi qui avais une si belle couleur naturelle. — Maman, parfois c’est bien de changer un peu. — Je t’ai à peine reconnue, je t’ai pris pour une cliente. — Je me demande bien quelle cliente pourrait avoir envie de faire le ménage à ma place. Elle ne relève pas. — Où est ta sœur ? — Je ne sais pas, elle avait besoin que je la remplace. Elle inspecte la pièce dans ses moindres recoins, comme si elle n’avait pas confiance en mon travail. — Maman, il faut que je te dise quelque chose. — Quoi donc ? me demande-t-elle en passant son doigt sur une table. — David et moi, s’est terminé. — Comment ça ? — Nous ne sommes plus ensemble. — Il t’a quittée ? Ces mots me brisent. Elle a une bien piètre opinion de moi pour penser que c’est lui qui est parti. — Non, c’était ma décision. — Mais pourquoi, je ne comprends pas, il était…parfait. Aie, aie aie. Je ne peux plus en supporter davantage. Je sens une boule se former dans ma gorge et je devine que les larmes ne vont pas tarder à suivre. — Excuse-moi maman, j’ai une envie pressante. Et je m’enfuis aux toilettes. Je rabats l’abattant sur la cuvette et je m’effondre. Parfait ? Peut-être trop bien pour moi… C’est vrai que j’ai toujours été le vilain petit canard. On pense que c’est toujours le dernier de la famille le chouchou, ça n’a jamais été le cas pour moi. Moi j’ai toujours été perçue comme la fille un peu naïve avec quelques kilos en trop, tandis que ma sœur avec ses longues jambes et sa taille mannequin… Avec David, mes parents m’avaient accordé un peu plus de considération. Je crois que dans le fond, ils ont toujours pensé que je n’étais pas à la hauteur. Ma relation était sans doute la seule chose de ma vie qui les ait rendus fiers. D’habitude j’encaisse les petites remarques indélicates de ma mère, mais aujourd’hui, c’est trop difficile. Allez, allez. Il faut que je me ressaisisse. Je vais aller m’installer derrière mon pc et me plonger dans mes calculs. Les chiffres m’ont toujours fait du bien. Je tamponne mes joues et mes yeux avec du papier hygiénique et je sors du cabinet dans lequel je me suis réfugiée. Pour me rendre dans la petite pièce ridicule qui me fait office de bureau, je passe devant l’accueil où mes parents sont en grande conversation. Mon père me salue poliment et semble à peine remarquer ma nouvelle tête. Je continue à avancer vers la porte de mon sanctuaire. — Oh Élodie ! m’interpelle ma mère. Je me retourne. Qu’est-ce qu’elle va me dire encore ? — Les toilettes de la 36 sont bouchées ? Tu peux aller voir ? Même pas un s’il te plait… Pourquoi s’embêterait-elle à prononcer ces mots puisque de toute façon, elle sait que je ne vais pas refuser. Je prends les clés de la chambre et je monte à l’étage. La tête au-dessus de la cuvette, je repense aux paroles de Camille : « Tu as quitté un boulot que tu adorais pour aider ton père à réaliser son rêve et tu te retrouves à nettoyer des toilettes ». Je ne peux plus … Je ne peux plus être considérée comme la dernière roue du carrosse, celle qui est juste bonne à rendre service. Il est temps que je m’envole, il est temps que je m’éloigne de ce milieu toxique. Ça me fait mal d’avoir une telle pensée, car c’est ma famille… Une famille qui est censée m’aimer, me soutenir et me protéger. Non ! Ça ne peut plus continuer. Je laisse les WC dans l’état où je les ai trouvés, je retourne dans mon bureau pour prendre mes affaires, puis déterminée, je vais à la réception. — Je démissionne. dis-je simplement à l’adresse de mes parents. Avant de les laisser argumenter pour me retenir, je tourne les talons et je prends la porte. Je m’empresse de gagner ma voiture et de quitter le parking. Une nouvelle coupe de cheveux, le début d’une vie de célibataire et surtout le chômage. En voilà du changement. Malgré quelques inquiétudes sur mon avenir, je me sens étrangement bien. C’est comme ci pour la première fois depuis longtemps, j’étais libre. Camille et Youssef ne sont pas encore rentrés du travail et ça me fait bizarre d’être seule chez eux. Mon téléphone n’arrête pas de sonner et je décide de l’éteindre. Je n’ai pas assez confiance en ma décision pour prendre le risque de les entendre se lamenter sur mon départ. Les rebondissements de ces deux derniers jours m’ont épuisée. Je me sens complètement vidée et je monte m’affaler sur le lit de la chambre d’amis. Maintenant que j’ai vraiment bouleversé mes habitudes, les questions commencent à affluer. Est-ce que tous ces changements sont pour moi le début d’une nouvelle vie ou est-ce que c’est plutôt le début d’une grosse galère ? — Élodie ? J’ouvre les yeux. Pendant une fraction de seconde, je me demande où je suis. Et puis j’aperçois le visage de ma meilleure amie. J’étais tellement fatiguée que j’ai dû m’assoupir. — Tout va bien ? me demande-t-elle. — Oui ça va. J’ai piqué un petit somme. — Je suis étonnée que tu sois de retour avant moi, d’habitude ils ne te laissent pas partir avant… — J’ai claqué la porte. — Sérieux ? s’étonne-t-elle un haussant un sourcil d’un air soupçonneux. — Enfin, je n’ai pas claqué la porte au sens propre du terme, mais oui, j’ai démissionné. — Alors là, je suis fière de toi ! s’exclame Camille en me prenant dans ses bras. — Et tu sais ce qui est super maintenant. ajoute-t-elle après une bonne minute de gros câlins. Tu vas pouvoir venir avec nous au Maroc. — Je t’arrête tout de suite ! Je ne vais pas squatter chez vous indéfiniment. Ma priorité, c’est de trouver du travail. — Déstresse un peu, c’est seulement dans 15 jours. Tu auras tout le temps après pour trouver du boulot. Et ne t’inquiète pas pour ce qui est de rester ici. Tu ne nous déranges absolument pas. Je dois l’avouer, elle est très convaincante et j’ai vraiment envie de partir. — Tu crois qu’il reste encore des billets ? Camille se lève d’un bon, un grand sourire sur le visage. — Je vais tout de suite chercher mon pc, on va regarder ça ensemble. Elle quitte la chambre en sautillant. Je profite de son absence pour rallumer mon téléphone. Ma mère, ma sœur et même mon père ont essayé de me joindre à plusieurs reprises. Camille revient avec son ordinateur et au moment où elle s’assoit à côté de moi, mon smartphone se met à sonner. — Tu ne décroches pas ? — Non, c’est ma mère, ils me harcèlent tous depuis que je suis partie. — Tu m’étonnes, une perle comme toi ça ne court pas les rues. Ils ne trouveront jamais quelqu’un prêt à faire tout ce que tu faisais. — Une perle ? Je crois bien que personne ne m’a jamais dit ça. — Et pourtant… Tu es adorable, gentille, toujours prête à rendre service et en plus tu es belle. — Belle… C’est surement pour ça que David est allé voir ailleurs… — Élodie ! Tu ne vas quand même pas laisser un imbécile et ta famille te faire croire que tu ne vaux rien. Je ne réponds pas puisque de toute façon c’est déjà fait. J’ai enfin mon billet ! Je l’ai payé un peu cher mais après tout, j’en avais les moyens. Ça faisait des années que j’économisais pour mon voyage aux États-Unis avec David… La jolie somme que j’ai accumulé va me permettre de me faire plaisir pendant mes vacances au Maroc. J’avais déjà acheté une valise et une trousse de toilette. D’après ce que m’a dit Youssef, Marrakech en été, c’est une vraie fournaise, alors j’ai fait l’acquisition de quelques robes légères et de tout un stock de crème solaire. Là, je suis en train de me demander s’il faut que j’emmène un maillot de bain. Comme les traditions religieuses sont très présentes au Maroc, je ne sais pas si les baignades en bikini sont autorisées. Camille est au travail, mais je sais qu’elle trouve toujours le moyen de répondre aux SMS, alors je lui pose la question. Moi : Question un peu bête… On peut se baigner en petite tenue au Maroc ? Elle : LOL. Bien sûr que oui. Tu as cru qu’on allait chez les talibans ? Moi : Je préfère demander. Elle : Et tu m’embêtes pour ça ? Moi : Ok ok… Je te laisse bosser. Je regarde l’heure. 16h50. Le maillot de bain devra attendre demain, j’ai rendez-vous avec Youssef dans 10 minutes. Il a gentiment accepté de venir m’aider à récupérer mes affaires. Je n’avais pas envie d’y aller seule. Au moins comme ça je suis sûre que David n’essayera pas de manœuvrer pour me faire revenir sur ma décision. J’arrive juste au moment où Youssef sort de la banque. — Prête ? me demande-t-il en m’apercevant. — Pas vraiment. — Allez, ne t’inquiète pas ! Je suis là, ça va bien se passer. tente-t-il de me rassurer. Nous prenons sa voiture. C’est l’heure de pointe. Les gens quittent le travail pour rentrer chez eux et nous sommes bloqués au milieu des autres véhicules. Ça me laisse tout le temps d’anticiper mes retrouvailles avec David. Je sens déjà l’angoisse s’emparer de mon corps et raidir chacun de mes muscles. Quand Youssef se gare sur le parking de l’immeuble, j’ai l’impression que mon estomac fait des montagnes russes. Les jambes tremblantes, je peine à marcher jusqu’à la porte d’entrée. — Je suis là, ça va aller. murmure Youssef. J’inspire, j’expire, en essayant de me dire que bientôt ce sera fini, que je n’aurais plus à me retrouver face à David. Nous voilà sur le palier. Je ne me donne pas la peine de sonner, j’entre directement. À l’intérieur, c’est le chaos. Vêtements sales par terre, vaisselle qui s’entasse dans l’évier. Dire que ça ne fait que cinq jours que je suis partie. David ne nous a pas entendus et nous le surprenons, avachi sur le canapé en train de regarder la télé. Il sursaute en nous apercevant. — Élodie… Mais… Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu venais ? s’exclame-t-il en se redressant et en époussetant les miettes de chips qui parsèment son tee-shirt. — Et bien j’espérais que tu ne serais pas là. Un silence pesant s’installe dans le salon. Mon ex regarde ses pieds tout penauds. Moi j’essaye de garder la tête haute, alors qu’à l’intérieur, j’ai l’impression que mes organes se sont liquéfiés. Si je ne me dépêche pas, je vais m’effondrer. — Bon je vais prendre mes affaires et je te rendrais les clés. — Élodie, est-ce qu’on peut aller dans la chambre pour discuter. m'implore David. — On n’a pas le temps pour ça. répond Youssef à ma place. Heureusement que je lui ai demandé de venir. J’aurais pu céder… Je fais les pièces une à une. Je ne prends rien qui pourrait m’évoquer trop de souvenirs. Au final, ça ne me fait pas grand-chose à emporter. Mon tour de l’appartement est bouclé en moins de 30 minutes et je retourne au salon pour déposer les clés sur la table basse. — Hey Élodie, la télé elle n’est pas à toi aussi ? m’interroge Youssef. — Si. Dès qu’il entend ma réponse, mon ami s’empresse d’aller débrancher tous les câbles pour prendre l’écran plat. David en reste bouche bée. Je vois qu’il a envie de protester, mais la détermination de Youssef lui impose le silence. J’éprouve une légère satisfaction à le voir impuissant avec son regard de chien battu. — Allez David, on te laisse. déclare Youssef. Je le suis dans le couloir, laissant mon ex, seul et désemparé. Maintenant, la page est bel et bien tournée. Mon réveil sonne, mais cela fait déjà longtemps que je ne dors plus. Je suis excitée, impatiente, anxieuse... C’est la première fois que je vais prendre l’avion et c’est aussi la première fois que je vais partir dans un pays aussi loin de la France. Il y a du bruit dans la cuisine. Camille et Youssef viennent probablement de se lever. Je m’extirpe du confort de mon lit et je vais les rejoindre. — Nuit blanche ? me demande Camille. — Presque. Je m’assois à table et elle me sert un café. — Tu vas voir ça va être génial, tu ne voudras plus repartir. assure Youssef. — Oh vous me manqueriez trop. Après le petit déjeuner, nous passons chacun à notre tour dans la salle de bain, puis c’est le grand départ. L’aéroport est bondé, ce qui n’est pas vraiment surprenant en plein mois d’août. J’ai l’impression d’être dans une fourmilière, sauf qu’au lieu de transporter des feuilles et des brindilles, les fourmis tirent des valises. — Quand tu auras fini d’admirer le paysage, on pourrait peut-être aller récupérer nos cartes d’embarquement. se moque Camille. — Hahaha, très drôle. Tu sais bien que c’est la première fois que je mets les pieds ici. — Et j’espère, pas la dernière. Une fois nos billets en poche et nos valises enregistrées, nous nous rendons au contrôle de sécurité. J’imite scrupuleusement mes amis en plaçant mon téléphone et mon sac dans le baquet prévu à cet effet. Pendant que le tapis roulant les fait glisser sous le scanner, je franchis le portique. Un hurlement strident retentit. — Enlevez vos chaussures ! m’ordonne l’agent posté les bras croisés en face de moi. Intimidée, je m’exécute, faisant marche arrière et posant mes baskets à la suite de mes autres affaires. Camille et Youssef éclatent de rire en apercevant mes pieds. Je baisse la tête et comprends la raison de leur fou rire. C’est vrai que si j’avais su, j’aurais mis autre chose que mes chaussettes bob l’éponge. L’armoire à glace esquisse aussi un sourire. Je repasse sous le détecteur qui sonne de nouveau. L’agent fait signe à l’une de ses collègues et j’ai le droit à la palpation. Je ne suis pas prête d’oublier cette première fois à l’aéroport. Il s’avère qu’en fait, c’est ma boucle de ceinture qui affole le portique. — C’est bon vous pouvez prendre vos affaires. me signale l’agent. Je n’ai pas besoin qu’il me le répète deux fois. Mes baskets aux pieds, je rattrape Camille et Youssef qui ont déjà pris la direction de la salle d’embarquement. — Trop glamour tes chaussettes ! me taquine ma meilleure amie. — Qu’est-ce que tu veux. Quand on est célib, on se laisse aller. Avant de monter dans l’avion, il me reste une chose à faire. Même si je n’ai pas donné signe de vie à ma famille depuis ma démission, je pense qu’il est plus sage de les informer que je pars en vacances. J’envoie donc un rapide texto à ma mère avant d’éteindre complètement mon téléphone. Mon objectif est de ne plus penser du tout à eux, ni à David durant mon séjour au Maroc. Enfin du moins, essayer. Le stress commence à monter et ça ne s’arrange pas lorsque je pose les pieds sur la passerelle. — Bienvenue à bord ! me salue l’hôtesse avec un grand sourire. Votre carte d’embarquement s’il vous plaît. Dans un état second, je lui tends machinalement la main. — Vous avez le siège côté hublot, 3ème rang à gauche. Bon voyage. me dit-elle en me rendant mon billet. Comme je n’ai pas fait ma réservation en même temps que mes amis, je ne suis pas installée à côté d’eux. — Rassure-toi, il y a des sacs à vomi. m’informe Camille en s’éloignant vers le fond de l’appareil. Je ne réplique rien et je m’installe sur mon siège. Pour l’instant je suis un peu déçue. Je m’attendais à un avion spacieux, un peu comme on voit dans les films, mais là, j’ai l’impression d’être une sardine qu’on met en boîte. Un couple de personnes âgées prend place à côté de moi. Nous nous saluons poliment, puis je détourne la tête vers le hublot. Je suis une personne timide et j’ai toujours eu du mal à discuter avec des inconnus. Il y a un jingle sonore. On nous explique les consignes de sécurité qui sont mimées par deux hôtesses. Je ne peux retenir un frisson lorsque vient le passage avec le gilet de sauvetage. Pour me rassurer, j’essaye de me dire que statistiquement, je suis plus en sécurité dans un avion que dans une voiture. Les portes sont fermées et les moteurs se mettent à rugir. Je m’empresse de boucler ma ceinture et je me plaque contre mon siège. Mes doigts se crispent sur les accoudoirs. Allez, allez, ça ne va pas durer longtemps. Il n’y en a que pour 2h30… L’avion prend la direction de la piste de décollage. J’inspire, j’expire… Je ferme les yeux. L’appareil se met à trembler et ça y’est, nous survolons le bitume. Nous prenons de l’altitude et finalement, ce n’est pas si impressionnant. Comme on dit, plus de peur que de mal. Le reste du trajet se déroule plutôt bien. Je m’occupe en bouquinant et en regardant le paysage. Les nuages sont encore plus majestueux à cette hauteur. À l’annonce de la descente une petite pointe d’angoisse refait son apparition, heureusement je sais que le plus dur est derrière moi. Nous atterrissons en douceur et certains passagers applaudissent le pilote (en même temps, nous faire arriver en un seul morceau c’est un peu son boulot non ?). Tout le monde se presse pour sortir de l’avion et encore une fois, je pense aux sardines agglutinées dans leur boîte. Mes amis m’attendent dans le hall, juste avant le contrôle d’identité. — Alors ça a été ? s’enquit Camille. — Oui Nikel ! Nous nous plaçons dans la file d’attente et je prépare mes papiers. J’ai du mal à réaliser que je suis sur un sol étranger. Pour l’instant, je ne suis pas vraiment dépaysée. Au guichet, l’agent de police tamponne mon passeport puis je suis mes guides pour récupérer nos affaires. Tout en guettant l’arrivée de nos bagages, Camille m’informe que certaines scènes du film « Sex and The City 2 », que nous avions été voir ensemble au cinéma, ont été tournées ici. Les tapis roulants se mettent en marchent faisant apparaître les premiers bagages. Quelques minutes plus tard, nous passons de grandes portes vitrées pour arriver à l’extérieur. La chaleur est accablante. Là ça y’est, je sais que je suis loin de ma France natale. Youssef s’avance vers un taxi. Notre carrosse n’est pas une grosse berline, mais une petite voiture simple dont je ne reconnais pas le modèle. Elle est d’une couleur beige sable, comme apparemment tous les véhicules ayant cette fonction. Nos bagages ont du mal à passer dans le coffre, du coup Camille et moi prenons des affaires sur nos genoux. Sur la route, nous dépassons une mobylette. Le conducteur porte un casque, contrairement à sa passagère installée sur le porte-bagage. Ça ce n’est pas quelque chose que j’ai l’habitude de voir et j’adore. J’ai le nez collé à la fenêtre. Tout est si nouveau et j’essaye d’enregistrer les moindres détails. Arrivée à destination, je descends presque à regret du taxi. J’ai hâte d’en voir plus. Le bâtiment devant lequel nous nous sommes arrêtés est un immeuble de trois étages qui appartient entièrement à la famille de Youssef. Ce dernier appuie sur la sonnette et presque instantanément, une jeune femme, dont les cheveux sont couverts par un voile, vient nous ouvrir. Elle embrasse mes amis et Camille fait les présentations. — Fatima, je te présente Élodie, ma meilleure amie. Élodie, je te présente Fatima, la cousine de Youssef. La jeune femme me fait la bise chaleureusement, sauf qu’au lieu de déposer un bisou sur chaque joue, elle en fait au moins six du même côté. Je suis un peu déstabilisée. En montant dans les escaliers, je demande discrètement à ma meilleure amie s’ils se saluent toujours de cette façon. — Oui. murmure-t-elle. Désolée, j’aurais dû te prévenir. Nous arrivons au premier étage où d’autres personnes nous accueillent. Les hommes me serrent la main puis ils placent leur paume sur leur cœur. Fatima occupe cette partie de l’immeuble avec ses parents. Abdel, son grand frère, habite au deuxième avec sa femme et leur bébé de 18mois. Le dernier étage est destiné à recevoir la famille et les amis qui viennent en vacances. Chaque niveau est équipé d’une salle de bain avec toilettes et d’une cuisine. Mes amis et mois allons donc avoir l’équivalent d’un appartement, d’une surface deux fois plus grande que celui que je partageais avec David. Tiens, c’est la première fois que je pense à lui depuis que je suis entrée dans l’avion… Nous défaisons nos bagages et redescendons au premier étage. Nous sommes invités à prendre le thé. Fatima nous installe dans une pièce où des canapés aux couleurs rouge et or sont disposés tout le long des murs. La boisson traditionnelle est préparée dans une théière très ouvragée et servie dans des verres bleus aux motifs gravés en argent. C’est délicieux, quoiqu’un peu trop sucré à mon goût. Tous les proches de Youssef parlent français. Certains moins bien que d’autres, mais je trouve déjà ça énorme. Moi j’arrive à peine à faire une phrase en anglais alors que j’ai étudié cette langue pendant de nombreuses années. J’ai toujours admiré les personnes bilingues. Ils discutent de la vie en France, du travail... Je me demande si j’ai bien fait de venir. J’ai peur d’être de trop au milieu de ses retrouvailles familiales. Camille me jette un coup d’œil en haussant les sourcils. Elle a dû remarquer que je ne suis pas très à l’aise. — Dites, quand est-ce qu’on va faire un tour sur la place Jemaa el-Fna? demande-t-elle. — On peut y aller maintenant. Je vous emmène ? propose Abdel. — Bonne idée ! appuie Youssef. Les deux hommes se lèvent. — Je viens aussi. dit Fatima. C’est comme ça que nous nous retrouvons entassés dans une 205 qui doit bien être plus vieille que moi. Nous roulons pendant 10 minutes avant de nous arrêter sur un parking. C’est là que je comprends qu’ici, les voitures n’ont pas besoin de caméra de recul. Des hommes assez jeunes aident Abdel pendant la manœuvre. Pas un seul centimètre n’est gâché. Si c’était comme ça en France, il y aurait moins de problèmes pour se garer. Comme nous sommes placés devant un autre véhicule, notre chauffeur ne met pas le frein à main. De cette façon, les gardiens peuvent déplacer la 205 à leur guise pour optimiser l’espace. C’est surprenant. Devant nous se dresse une grande tour. Fatima m’explique qu’il s’agit du minaret de la mosquée Koutoubia. Je ne peux m’empêcher de rallumer mon téléphone pour prendre une photo de ce superbe édifice. Même si je n’ai reçu ni appel, ni SMS, je me mets hors ligne. Pas question de donner la possibilité à quelqu’un de gâcher mes vacances. Nous continuons à avancer jusqu’à arriver à un passage piéton. Enfin passage piéton est un bien grand mot. Je ne vois vraiment pas comment nous allons pouvoir passer de l’autre côté. Devant moi, c’est un défilé de voitures, de vélos et de mobylettes qui klaxonnent, se mêlent, se doublent, se dépassent et ce pas toujours avec prudence. — Ça c’est le Maroc ! s’exclame Camille. — Ce n’est pas un peu dangereux ? Personne ne me répond. Tout à coup, la circulation se calme et Youssef me pousse légèrement en avant. Je crois que jamais de ma vie, je n’ai traversé une route aussi vite, ce qui amuse particulièrement ceux qui m’accompagnent. Je suis en sueur. La température suffocante et la peur de me faire écraser m’ont achevée. Mon cœur tambourine fort dans ma poitrine et je ne peux m’empêcher d’anticiper le retour vers la voiture. Je découvre la place Jemaa el-Fna. Les mots me manquent pour donner une description de cet endroit. Partout où mes yeux se posent, je vois quelque chose de fabuleux. À gauche des vendeurs proposent du jus d’orange frais, à droite, des groupes de musiques traditionnelles, des charmeurs de serpents et même des arracheurs de dents. Malgré le soleil brûlant, il y a beaucoup de monde. Toutes ces couleurs et ce tourbillon de vie… Je suis envoûtée. — Si ça ne vous dérange pas, nous allons faire quelques achats avec Abdel pendant que vous vous promenez. nous informe Fatima. — Pas de soucis. répond Youssef. Je vais emmener ces dames faire un tour dans le souk. Je profite d’être seule avec mes amies pour leur demander s’ils sont sûrs que je ne vais pas les déranger pendant leur séjour. — T’es folle on va passer de supers vacances ! me gronde Camille. — Si ça peut te rassurer, ma famille n’est pas du tout collante. Là, ils sont juste contents de nous revoir. ajoute Youssef. Je ne dis rien. Nous avons traversé la place pour arriver à l’entrée du marché couvert. Une odeur d’épices et de cuir flotte dans l’air. Partout des étals et des petites boutiques. Certains vendent des vêtements, d’autres des bijoux ou encore de l’artisanat local. — N’hésite pas si quelque chose te plait. me souffle Camille. — Mais je n’ai pas encore échangé mon argent. — Ils nous restaient encore des dirhams de notre dernier voyage, alors on t’avancera. Nous progressons dans le marché traditionnel et ma meilleure amie flashe sur un jean qu’elle s’empresse d’aller essayer. Je demande à Youssef, si je peux continuer à explorer les lieux. — Oui tu peux. Tu sais comment elle est. Elle va en enfiler au moins cinq et se contempler dans la glace des centaines de fois avant de faire un choix. me répond Youssef. — Ok, merci. — Par contre ne va pas trop loin hein ? C’est un vrai labyrinthe. — Pas de problème. J’aime ce petit moment rien que pour moi. Je n’ai pas peur de gêner quelqu’un en m’attardant dans une boutique et inversement. — Charmante, comme le thé à la menthe ! me souffle un vendeur lorsque je passe devant son étal. Je ne savais pas que cette boisson pouvait être charmante, mais cette comparaison me fait quand même rougir. Je m’approche d’une vitrine de bijoux. Un homme se place juste à côté du moi. Je lui jette un rapide coup d’œil et mes yeux apprécient ce qu’ils voient. C’est un très beau spécimen. Grand, musclé. Il a des cheveux noirs légèrement ondulés et une barbe de plusieurs jours. Nos regards se croisent. Pendant une fraction de seconde, il se passe une chose étrange, comme si nous étions… connectés. Gênée par cette intimité inattendue, je détourne vite la tête et je m’éloigne. Je m’arrête une dizaine de mètres plus loin et il est de nouveau à côté de moi. Il est peut-être super craquant, mais son attitude commence à m’inquiéter. Je me dirige vers une autre boutique d’un pas rapide et il me suit. Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir me promener toute seule ? Mon pouls s’accélère. J’essaye de me souvenir du chemin emprunté pour venir jusqu’ici, mais Youssef avait raison, c’est un vrai labyrinthe. Une main se pose sur mon épaule et je bondis de terreur. — Ba qu’est-ce qui t’arrive ? s’étonne Camille en voyant mon air apeuré. — Y’avais un type qui me suivait… Elle regarde par-dessus mon épaule. — C’est sûr, il y en a plus d’un qui te matte. Avec tes beaux yeux bleus ce n’est pas étonnant. Je vérifie quand même derrière moi. L’homme a disparu. [La Frange](//muut.com/u/texteserotiques/s2/:texteserotiques:QSPs:lafrange.jpg.jpg)

Tropbelle89
Tue, 20 Mar 2018 04:57:12 GMT

Oui, oui, j’ai lu ... même pas peur ! Je m’attendais à une autre chute. J’aime beaucoup tes descriptions. J’aime, j’adore le Maroc. Je m’y suis vu. Merci Dellie 😉 .

dellidinitier
Tue, 20 Mar 2018 06:43:42 GMT

Merci Tropbelle mais ce n'est pas fini, ça c'était juste quelques pages sur les 153

dellidinitier
Tue, 20 Mar 2018 08:24:50 GMT

J'ai posté l'intégral sur wattpad https://www.wattpad.com/549684108-la-frange-partie-1

gina12410
Thu, 22 Mar 2018 14:01:46 GMT

@comme d habitude, j'aime beaucoup...je vais lire l'intégrale ,un peu plus tard avec un bon thé à la menthe...en tout cas , comme on dit "le premier psychologue de la femme, c'est son coiffeur." 😊🍵💇